Il était rentré à la demie pile, attendu par le chat dont
les yeux verts semblaient lui poser une question. Il avait envie d’une douche,
peut-être aussi d’un homme, mais la douche était plus importante. Le chat avait
fini par s’asseoir sur la table de la cuisine, observant chacun de ses gestes.
La bouteille d’eau gazeuse qu’il sortait du réfrigérateur, le verre qu’il
remplissait d’un quart de Famous Grouse. Les yeux de l’animal accompagnaient
avec intérêt chacun de ses mouvements, étudiant l’enveloppe qu’il extirpait de
la poche intérieure gauche du blazer gris, les billets qu’il recomptait
calmement car on n’est jamais trop prudent. Ce n’était pas un mauvais métier.
Toutes charges déduites il gagnait convenablement sa vie.
C’était tellement son idée que rien de nouveau
n’arriverait la veille d’un quatorze juillet qu’il n’avait pu réprimer un
soupir de contrariété lorsque Marthe avait appelé conformément aux instructions
pour l’informer qu’une certaine Madame Havard s’était présentée à l’agence en
fin de matinée pour solliciter un rendez-vous pour le jeudi à quatorze heures.
-
Une femme distinguée qui semble avoir de d’argent. Cela semble important car
elle a insisté.
Il lui avait fallu quelques instants pour laisser les
éléments s’assembler machinalement dans son esprit. Havard, c’était le nom
d’une clinique où l’on opérait des yeux en ville. Une clinique réputée qui
avait connu autrefois un supplément inattendu de publicité lorsque justement le
professeur Havard s’était tiré une balle dans la tête pour se sanctionner
d’avoir opéré un patient du mauvais œil. La femme qui le demandait était
peut-être la veuve. Il avait déjà travaillé pour des riches, mais jamais encore
pour des veuves, et il se demandait si c’était une clientèle qui avait des
spécificités propres.
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