mercredi 7 septembre 2016

95 D




 Lundi dernier, dans le métro. Un peu après quatre heures du matin. Ligne 6. Entre les stations Paradestrasse et Platz der Luftbrücke. On passe des quartiers Tempelhof à Kreuzberg le temps d'un souffle chaud, sans s'en apercevoir. Voiture en tête de rame. Je n’arrive pas à garder les yeux sur mon Simenon, à cause de la bonne femme assise juste en face de moi qui, en plus d’être franchement laide, porte un T-shirt rose moulant – avec des paillettes car les bonnes femmes ici adorent les paillettes argentées.
Ça n’avançe pas bien vite, parce qu’il y en ce moment des travaux sur la ligne. Moi-même qui suis seulement berlinois d’adoption, je sais qu’un coup de signal sonore donné par le conducteur de rame au moment où l’engin quitte la station sert à prévenir les ouvriers qui travaillent dans le tunnel. Je ne suis pas étonné non plus qu’il y ait des coups de freins inattendus, assez brusques. Normal quand il y a des gars dans le tunnel.
C’est vraiment une bonne femme d’ici, une berlinoise mal fagotée – mais c’est un pléonasme. Une bonne femme d’ici qui parle fort et sans réfléchir, d’une vilaine voix de cuivre, des fois on ne sait même pas à qui elles s’adressent :
« Non mais, il a éclusé combien de verres ce débile pour conduire comme un malade à quatre heures du matin, ce crétin? »
Ça, c’était pour le conducteur qui venait de freiner une fois de trop à son goût. Et juste après :
« Et vous, vous n’avez pas honte de reluquer les seins d’une dame assise en face de vous et qui veut voyager en paix ? »
Ça, c’était pour moi, et je crois même qu’elle a ajouté quelque chose comme : espèce de dégoutant.
C’est pénible d’ouvrir la bouche quand on n’aime pas parler le matin, mais il a bien fallu que je lui dise la vérité. C’était quelque chose comme : je me fous de vos foutus nichons. S’il y a une inscription sur votre T-shirt, c’est bien pour qu’on la lise, non ?
Il faisait dans les trente degrés. A trois  rangées de moi, il y avait également deux dames turques, empaquetées dans des manteaux serrés qui descendaient jusqu’aux genoux, foulard serré jusque au cou, comme on leur dit de faire. C’était comme tous les autres jours. Les jours où il m’arrive de remarquer un type défoncé qui boit sa bière dans une bouteille dont le goulot est fracassé, quitte à se fendre les lèvres, ce con. Ceux où j’aperçois une fille en bas résille mouchetés, sauf que les mouches sont des têtes de mort. 

3 commentaires:

  1. "Be bear, Be bitch, Be Berlin"... En version chantée, le poème sonne un peu trop mélo, non?

    RépondreSupprimer
  2. "Be bear, Be bitch, Be Berlin"... En version chantée, le poème sonne un peu trop mélo, non?

    RépondreSupprimer
  3. C'est tout un programme. Mais c'est chanté par qui ?

    RépondreSupprimer